• Manteau rouge 3

    Cette fois ce n’était ni dans un cinéma, ni sur un banc public. Voilà à peu près la seule certitude que j’ai, là, maintenant. Evidemment si vous n'avez pas lu les épisodes précédents, ces grands moments de rature, vous ne comprendrez pas. Tant pis pour vous.

    Alors où ? Je ne sais plus, j’étais à moitié ivre. On peut être ivre pile à moitié, ça permet de voir exactement double et d'oublier ce qu'il vous arrange d'oublier. Où ? Un appartement froid. Un repaire de brigands. Une vieille bibliothèque poussiéreuse. Une sorte de lupanar peut-être. J'ai trouvé Manteau rouge, et elle n'était pas comme dans le film, je veux dire, comme dans le cinéma. Elle n'était plus dans l'obscurité, elle prenait la lumière, de cette lumière numérique qui donne d'égocentriques images où l'âme se cherche par-delà le nombril, ces images qui s'impriment sur des machines bruyantes et des écrans tactiles, sans laisser la moindre trace sur la rétine. Je préférais les ombres fuyantes, les grisés indécis, la brume argentique à ces pixels toujours surexposés, à ces empilements de contrastes si orgueilleux qu'il n'y a plus rien à raconter. Je préférais l'obscurité du cinéma à ces photographes aux lumens éblouissants de vacuité. Je préférais la déshabiller moi-même.

    Je suis retourné vivre entre chien et loup.

    En chemin je suis passé près du banc où autrefois j'avais découvert la relativité restreinte. L'endroit était désert. Les gens ont trop de feux à allumer, trop d’incendies à éteindre, me suis-je dit, ils cultivent sur brûlis et les sols s'assèchent, détruisent leur propre écosystème croyant le nourrir. 

    Je suis rentré, me reprochant de n'avoir jamais su cultiver quoi que ce soit et de manger à ma faim.

    De retour, j'ai pris une photo. Mais peu la trouvent convenable. Elle ne présente pourtant "aucun caractère violent ou obscène". Ce doit être que les écrans préfèrent le fill-in des flashes aux pudiques contre-jours. Quelle étrange époque. Pourtant ce type dans l'ombre, vague et flou, c'est exactement moi. Ecrivant à qui. 

    Quelle étrange occupation. Floue. (Est-ce exactement moi ?)

     

     

    "Ne possédant rien

    Comme mon cœur est léger

    Comme l'air est frais"

    (Issa)

     

     

    Allons prendre l'air.

     

     


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