• Des boyaux aux armatures de métal se connectent entre eux, s'apprêtent à te déverser dans l'aéroport. C'est un enchevêtrement complexe, désordonné et précis, chaque micro-organisme est dirigé là où le corps résonnant a besoin de lui, là où il manque, là où la fièvre le demande. Et si tu ne sortais pas ? Si tu restais là, à arpenter sans fin les méandres fertiles du labyrinthe, si tu ne faisais que participer à la mécanique des fluides vitaux ? Si tu te bornais à ton rôle biologique ? Si du monde tu ne voulais rien voir de plus ?

    (Tu fermes les yeux un instant, tu ne voudrais être que sensation, que souffle. Que particule d'énergie infinitésimale  dénuée de la conscience du corps qu'elle nourrit, de l'ordonnancement fluctuant de la vie autour, de sa propre fonction dans le manège des planètes. Tu fermes les yeux, pourtant tu sais déjà qu'il te faudra les rouvrir. Tu arrives au bout du tapis roulant. Tu n'as plus le choix.)

     


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  • Tu ne sais pas trop comment décrire cette ville où tu n'es jamais allé. Tu vois des idéogrammes partout, les panneaux de signalisation, les enseignes des magasins, les façades des bâtiments administratifs, tout cela t'est parfaitement indéchiffrable, tu ne reconnais qu'ici et là le signe, simple, qui figure l'homme et celui, tout aussi simple, qui représente le pays, tu n'iras pas très loin avec ça. Ton guide (quel guide ? Tu n'as jamais mis les pieds ici, ton passeport le prouve) avec quelques mots d'anglais rudimentaire (avec l'accent tonique placé aléatoirement te semble-t-il) te renseigne : ici c'est une boutique mais tu ne comprends pas bien ce que l'on y vend, là un restaurant (mais qu'y mange-t-on ?) et au loin cet immeuble de verre dont on aperçoit le sommet au-dessus des toits a quelque chose à voir avec le gouvernement, peut-être une banque d'état, peut-être la mairie, peut-être l'annexe d'un clinquant ministère.

     


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  • Un aileron se cabre. L'avion vire, pointe de l'extrémité de son aile la ville en-dessous. C'est une tâche grisâtre informe, comme l'encre d'un test de Rorschach dénué de symétrie, cette idée t'amuse, tu te demandes ce que tu voies dans cette tâche, un trou noir, une matrice, un visage, puis l'avion reprend son équilibre, amorce la descente, vire à nouveau, et tu réalises que ce que tu voyais n'était pas la ville, à peine un petit faubourg de rien de tout, la ville tu l'aperçois au loin, des éclats de lumières disséminés palpitent à perte de vue, et là c'est plutôt une galaxie tordue, un vague corps gazeux parcouru d'électrons virevoltants, tu te dis en souriant que tu devrais aller voir un psy, puis tu t'imagines tomber, tu te crispes sur ton siège, tu te demandes s'il y a des psys dans ce pays, c'est absurde, pourquoi n'y en aurait-il pas, mais après tout pourquoi y en aurait-il (n'y a-t-il pas suffisamment de gens inutiles), tu t'imagines déjà malade, tu t'imagines te soigner de mixtures infâmes à base de viscères de reptiles inconnus et d'insectes en poudre, tu en arrives à souhaiter que l'avion s'écrase sur quelque centre commercial bondé, ce n'est pas quelques Chinois de moins, et toi personne n'en saura rien, tout juste - peut-être - un fonctionnaire du consulat notera-t-il ton nom sur une liste à destination d'un fonctionnaire du ministère des Affaires Etrangères.  L'avion amorce la descente, tu fermes les yeux, la gravité se dérègle doucement, tu y seras bientôt, dans la matrice, la lumière ne s'enfuit déjà plus du fond de tes paupières, tu te sens mieux, un peu de paracétamol une fois arrivé suffira, tu n'aimes pas les virages, c'est tout.

     


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